La co-création : pourquoi ? comment ? – La suite !

Co-création : les freins (2)

Le principe de co-création est très séduisant (voir ici le volet 1 de la saga !), mais sa pratique n’a rien de naturel, et s’avère même extrêmement difficile ! Pourquoi ?

Le regard…

Nous ne devons pas sous-estimer l’importance du regard qui sous-tend en amont toute réflexion et action. Regarder le monde différemment c’est déjà changer le monde, et on butte souvent sur ce regard différent : des processus mentaux façonnent nos choix, nos comportements, nos attitudes, et des mécanismes cognitifs comme la fixation nous incitent à rester dans le domaine de nos connaissances acquises, donc à ne pas quitter notre zone de confort, à ne pas « prendre le risque » de nous transformer au contact des autres (on parle beaucoup de « partenariats transformationnels », mais est-on réellement dans la transformation de son organisation et de soi-même ?) …

La segmentation est ainsi partout : dans l’entreprise, dans l’administration, dans l’enseignement… On a tendance à penser dans un cadre disciplinaire bien précis, hérité en partie de notre éducation, et à ne pas en sortir. Or cette pensée en silos n’est pas adaptée à la réalité multiforme des phénomènes et à la nécessaire pluridisciplinarité des projets de co-création à mener. Même de vrais efforts de démarches systémiques et collaboratives peuvent être vains, car les cadres d’analyse appropriés font défaut. Les façons de penser la pauvreté en sont une belle illustration. On a beaucoup de mal par exemple à sortir du regard misérabiliste porté sur les personnes en situation de pauvreté, à s’intéresser à leurs véritables expériences de vie, et bien au-delà de leurs difficultés, à se pencher sur leurs propositions et leurs rapports à la réalité très enrichissants pour la connaissance de tous, en s’interrogeant sur les biais que nous avons tous dans nos grilles de lectures (souvent unidimensionnelles…).

Les mécanismes d’apprentissage sont ici clés (nous en reparlerons bientôt sur les questions de lutte contre la pauvreté). La compréhension de ces derniers pour pouvoir opérer les métamorphoses nécessaires appelle certainement des changements culturels profonds en France… De fait, le prisme technico-scientifique prime encore, avec une farouche aversion à l’incertitude, qui fait partie intégrante des processus non-linéaires d’itération et des logiques de transformation progressive des projets -et de soi-même- au fur et à mesure de leur avancée, dans l’ignorance du résultat final (ce qui ne signifie pas qu’on travaille sans objectif ).

 & la méthode !

Cette approche peut paraître idéaliste, voire pathologique pour certains ! Pourtant, je parlais de « processus » pour l’itération, car l’approche peut être méthodique, organisée. Or c’est là le second point sur lequel nous buttons, en France notamment. Nos méthodes traditionnelles sont inadaptées à la réalité des processus des projets d’exploration que sont les démarches de co-création (vs exploitation des connaissances et compétences existantes dans son organisation, dans son domaine). Une intention stratégique forte au départ et une vraie vision des transformations induites par la co-création sont nécessaires, mais non suffisantes : il faut d’autres façons de penser mais aussi d’autres façons de concevoir et de manager. Et parfois la difficulté n’est pas tant de s’ouvrir à l’extérieur que d’intégrer effectivement ces apports extérieurs dans les processus internes de l’organisation, trop orientés aujourd’hui sur le déploiement d’améliorations de choses existantes… Or nous sommes là sur un véritable terrain d’innovation !

Alors comment on fait ? La suite : bientôt… (avec des exemples qui ne sortent pas de la lune !)