L’expérience de Monika Kierecka, UX designer
Monika, en quoi consiste ton métier de UX Designer ?
Au sein d’une équipe pluridisciplinaire, je co-conçois des services numériques et/ou physiques avec et pour les utilisateurs en prenant en compte leurs représentations (envies, besoins, contraintes, perceptions, projections) dans leurs façons d’interagir avec le service. Cette « expérience » du service est centrale : par exemple, ce qui va déterminer le succès d’une compagnie de taxis, c’est la façon dont les personnes commandent ou trouvent un taxi en fonction de leurs temps, lieux, besoins, la façon dont elles sont accueillies et installées, la façon dont elles voyagent, paient et arrivent à destination.
L’expérience utilisateur est un nom à la mode (cf.citation ci-dessus), mais méfions-nous des discours. Mon avis est qu’on a tendance à verser dans des définitions de l’expérience utilisateur qui frisent parfois l’érotisme, avec un fixation sur les aspects « symboliques », « hédonistes » ou « esthétiques ». Cette expérience peut être bien sûr sociale, hédonique, mais aussi fonctionnelle. On voit bien la valeur symbolique accordée à l’expérience de dégustation d’une confiture Bonne Maman mais est-ce pertinent pour l’achat d’un timbre à La Poste, la consultation de la météo sur un smartphone ou une inscription sur le site web de Pôle Emploi ? Ces exemples sont aussi des expériences utilisateur : une utilisation d’une solution (service, produit, organisation) par un Homme dans un but qui aboutit à un résultat objectif (positif, négatif, partiel) et à un ressenti, une satisfaction subjective, une empreinte dans la mémoire. Le UX designer est responsable de la relation, de l’usage et de l’interaction entre l’humain et la solution ; il n’est pas dans la promesse, une manipulation ou un rêve. Il cherche, co-conçoit et vérifie la solution, pour donner une réponse appropriée, conforme aux attentes, en prenant en compte le contexte d’utilisation.
Le UX designer est responsable de la relation, de l’usage et de l’interaction entre l’humain et la solution ; il n’est pas dans la promesse, une manipulation ou un rêve.
Comment chercher les données sur cette expérience utilisateur ?
La pluridisciplinarité est essentielle. Mon rôle de UX Designer est un rôle pivot entre différents experts (architectes, développeurs, responsables d’étude quali, marketing, graphistes, ergonomes… ), les décideurs et les utilisateurs. Je suis un des acteurs dans la conception des solutions orientées « service » et centrées sur l’humain.
Pour proposer des solutions, je m’appuie sur la norme ISO 13407 (« conception centrée utilisateur »), des connaissances dans diverses sciences ayant trait au comportement humain, des outils et des méthodes de design, de psychologie-sociologie et de créativité. Je suis en effet ergonome-psychologue de formation. L’ergonomie utilise les méthodes des sciences humaines pour mieux adapter la technique aux usages humains, l’appliquer au service de l’Homme. Ce bout d’émission de 1980 sur l’ergonomie de l’informatique (cf. ci-dessous) montre que, si le vocabulaire et le look ont changé, nous sommes toujours à la recherche d’un équilibre : entre les progrès technologiques, sociétaux et nos vies.
Paradoxalement, on trouve des solutions pour les utilisateurs High Tech mais les objets basiques, courants, nous posent problème. Exemple : l’ouverture de bouteilles par une personne âgée de 80 ans… une [mauvaise] expérience utilisateur sans progrès depuis des décennies, et pourtant vitale !
Impliquer les utilisateurs, du début du projet jusqu’au test, est essentiel. Mais la subjectivité est difficilement captée dans un labo classique : sur la base d’un concept ou d’un prototype, nous devons valider les hypothèses avec les utilisateurs, individuellement ou en groupe (cf. living lab). Pour prendre un exemple basique, le packaging par Heinz a été inventé sur la base d’observations in situ des consommateurs.
Comment se passe concrètement la conception de solutions centrées sur l’expérience utilisateur ?

Le processus peut se dérouler comme suit, en fonction de l’objectif :
Constitution de l’équipe de conception pluridisciplinaire en fonction du challenge
Clarification du challenge avec les décideurs en posant des questions ouvertes sur les besoins (qui, quoi, pourquoi, où, comment)
Définition des règles, du challenge de l’équipe projet et validation
Exploration du contexte, recueil de données : immersion ethnographique, observation distante ou proche des acteurs, entretiens ; identification des acteurs, activités, environnements, interactions, objets ; cartographie des parcours utilisateurs ; audit de ce que les acteurs font, pensent, utilisent…

Analyse, restitution, reformulation : concertation avec les décideurs et les experts (faire exprimer les craintes, les contraintes, pointer les priorités et les critères de réussite) ; présentation de vidéos des expériences, storyboard, storytelling ou maquette papier qui représente le service actuel ; descriptions des schémas comportementaux sous forme de profils détaillés : personas
Idéation : brainstorming, ateliers participatifs, outils de collecte d’idées, concours ; narration du point de vue de l’utilisateur qui décrit une utilisation future : user scenarios
Convergence des idées, concepts, évaluation : évaluation des concepts (plus, potentiels, craintes, sources de résistance, sources de soutien) ; maquettage, wireframing, prototypage et leurs évaluations
Livrables : fiches solutions, spécifications.
En bonus, Monika nous livre 3 coups de coeur « co-conception » vus à Futur en Seine : à découvrir !
Urban Fabric Organisation : start-up pluridisciplinaire qui développe des outils de visualisation et de concertation en urbanisme avec les habitants. Cet outil invite à la parole, aux rencontres avec/entre les habitants.
DémocratieOuverte.org : communauté francophone ouverte aux élus et aux citoyens qui souhaitent collaborer en vue de placer la transparence et la participation des citoyens au cœur des démocraties représentatives. Initié par des citoyens de trois pays francophones, passionnés par la politique et les technologies numériques, ce mouvement est ouvert à toutes les bonnes volontés.
Design Territoire Alternatives : agence de design de services publics qui co-crée les services et les dispositifs publics avec des usagers/citoyens.