Interview de Nicolas Le Berre, co-fondateur de New CITYzens
L’opération « Build the Change » (en legos!), événement du Ecocity World Summit 2013, a mobilisé plusieurs centaines d’enfants sur les enjeux de la ville de demain.
Contributeur clé d’un kit pédagogique dédié à l’opération, New CITYzens était aussi grand reporter pour l’occasion. Retour sur cet événement, et plus largement sur les enjeux d’une ville imaginée pour ET par les enfants…à travers l’objectif de Nicolas !
Nicolas, que retiens-tu de cet événement « spécial enfants » ?
Je retiens le potentiel énorme qu’il y aurait à associer plus étroitement les enfants, et plus largement les jeunes publics, dans la construction d’une vision pour la ville de demain. Globalement on ne leur communique au quotidien que des perspectives négatives sur leur avenir, en les mettant dans des situations de soumission. On leur promet un monde sans solution. Mais les enfants ne connaissent pas les barrières, ils pensent l’impossible ! Cela s’est vu pendant Ecocity. Toute leur imagination était à l’oeuvre pendant les ateliers, avec des idées comme des villes suspendues, côtoyant des ruches d’abeilles pour la pollinisation des plantes de la ferme urbaine, ou encore des discothèques sous-marines. Les thématiques de développement durable émergeaient naturellement. Avant la phase de construction en legos, ils ont pu identifier ensemble, sur un « arbre à problèmes », des situations qui les touchent : les déchets, la pollution de l’air, le bruit, l’absence d’animaux en ville ou encore l’accessibilité des loisirs… Puis ils ont dessiné leur idéal et ont concrétisé leurs idées en legos, non pas en apportant chacun un petit bout mais en partageant une vision d’ensemble sur leur ville du futur. Ils ont ainsi su proposer une approche spontanée pour bâtir leur « ville positive ».
Les enfants ne connaissent pas les barrières, ils pensent l’impossible
Les interviews des enfants et animateurs sont à visionner ici
Mais ce genre d’ateliers ne s’improvise pas. C’est un « serious game », qui requiert des outils spécifiques d’animation. Une partie des enfants a pu être accompagnée par l’association SynLab, en lien avec la Ligue de l’enseignement de Loire-Atlantique, sur la base d’un guide dédié « Bâtisseurs du futur ». Celui-ci s’inspire de la méthodologie Design for Change* conçue par Kiran Bir Sethi, designer indienne, pour transmettre le virus « I can » aux enfants. Certains enfants ont donc commencé leur projet en amont du Sommet : leurs instituteurs ont organisé des temps de découverte du milieu urbain et de ses enjeux, en s’appuyant notamment sur les films de New CITYzens réalisés à travers le monde sur les acteurs du changement urbain (exemples : système de récupération des eaux de pluie à Mexico, nouvelle gestion des déchets à Delhi, ateliers de lecture collectifs à Istanbul, fermes urbaines à Los Angeles…).
*Design for Change est né en Inde en 2007 et a déjà été répliqué dans plus de 35 pays et touche aujourd’hui 25 millions d’enfants.
Comment aller plus loin selon toi dans la participation des jeunes sur ces sujets ?
Les actions pédagogiques doivent impérativement s’inscrire dans la durée. Mais la thématique reste nouvelle pour les enseignants, à la fois dans le contenu et dans les façons de délivrer l’enseignement sur le sujet. On doit parler différemment de ville durable, passer de l’angle moralisateur à une approche pratique : à quoi servent ces sujets ? Le développement durable n’est pas qu’une question de valeurs et de respect des autres et de la nature, cela a un impact dans la vie des gens tous les jours. Mais parfois on n’arrive plus à l’expliquer. Et il faut pouvoir interagir avec plaisir avec sa classe sur ces sujets.
Notre conviction est aussi qu’il faut créer des environnements d’apprentissage propres à rendre les jeunes publics acteurs, en offrant un cadre dans lequel ils peuvent s’exprimer et se sentir libres (rappelons cette jolie maxime de Rabelais : Eduquer, ce n’est pas remplir des vases, c’est allumer des feux). C’est une nouvelle manière de transmettre et il faut pour cela fournir les bons outils aux enseignants. Mais les jeunes doivent prendre la main sur ces outils. Par exemple, les histoires inspirantes que nous relayons* dans nos films ne sont qu’un prétexte pour penser à ses propres solutions pour le changement !
Les jeunes doivent prendre la main sur les outils pédagogiques !
Ce que nous poussons avec New CITYzens c’est une prise en main par le passage à l’action : nous intervenons ainsi principalement dans les collèges et lycées pour motiver les jeunes à rencontrer des associations ou à créer leur projet. Notre plateforme web leur offre tous les conseils pour ce faire, depuis l’information sur les structures existantes jusqu’au kit pour développer leur propre projet, de la phase la plus amont de brainstorming à celle finale de communication et de diffusion sur les réseaux sociaux.
* Le site propose plus largement : vidéos sur les villes et projets, photos, chiffres clés, quizz et autres animations ludiques pour apprendre autrement la ville durable sur les sujets suivants : handicap, alimentation, santé, logement, économie collaborative, culture, mobilité, éducation, agriculture urbaine, égalité des chances, intergénérationnel.
Le(s) mot(s) de la fin…
La marge de progression sur ces sujets est énorme mais je crois qu’il faut jouer plein de petits coups ! Les acteurs pédagogiques innovants comme SynLab ou Living School (une école dont l’approche s’appuie sur le savoir être et cherche à révéler le potentiel de création des enfants) atteindront une taille critique par la construction progressive d’une communauté d’ambassadeurs dans l’éducation. L’élaboration d’une vision commune sur ces sujets prend du temps. De notre côté, nous poursuivons nos partenariats pédagogiques avec les collectivités territoriales et les acteurs académiques. Nous allons par exemple former en 2014 des éducateurs du département des Hauts-de-Seine pour qu’ils utilisent nos outils auprès des jeunes.
Je suis confiant pour la suite : la France voit se développer de nombreuses dynamiques et de nouveaux réflexes. Les facteurs de blocage s’estompent, on parle de plus en plus d’entrepreneuriat… Les jeunes sentent qu’ils ont le choix et la possibilité de prendre leur destin en main !
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Conclusion un brin esprit de Noël… :
» Il est grand temps de rallumer les étoiles » (Apollinaire)
Je vous souhaite à tous de très belles fêtes de fin d’année