
Entrepreneuriat social, base de la pyramide, économie inclusive, collaborative, circulaire… Raconter au plus près et pour le plus large public ces mutations économiques et sociales difficiles à saisir : c’est le défi que s’est fixée Isabelle Hennebelle à L’Express avec un hors-série annuel (classé dans les 10 meilleures ventes des hors-séries*) et une plateforme web (plus de 30 000 visiteurs par mois) dédiés aux stratégies qui concilient business et social. Celle qui, reporter, a parcouru une vingtaine de pays de l’Est pour en montrer la face cachée, défriche désormais les terres de l’innovation sociale, à la rencontre de ses pionniers !
Interview-portrait d’une intrapreneuse sociale du mass media
Quel a été le déclic pour se lancer dans cette aventure ?
Mon expérience de journaliste en Russie, Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Pologne, Hongrie, Roumanie… m’a montré à quel point il faut se démarquer de la vision qu’on nous impose ici. Le monde tel qu’on nous le décrit parfois n’a rien à voir avec la réalité du terrain. Il faut donner à voir ce qui ne se voit pas, aller voir « de l’autre côté ». J’ai cette obsession de comprendre et d’hybrider l’officiel et l’ « intime » pour saisir le sens profond des choses.
Dans le prolongement de cette idée de participer à la construction d’un monde moins « auto-centré », cette fois dans l’entreprise, j’ai fondé en 2008 le Cercle de l’Humain, pour réfléchir aux pistes d’actions pour valoriser le capital humain en entreprise avec un groupe d’experts pluridisciplinaire (économistes, psychiatres, paléoanthropologues, sociologues, spécialistes des religions, ministres,aux côtés des DRH et dirigeants).
En 2012, la découverte de l’univers de l’entrepreneuriat social, avec des acteurs comme Ashoka, a été un vrai déclic ! « Chaîne de valeur hybride », « co-création »… ce nouveau langage reflétait tout un champ économique nouveau à appréhender, encore trop peu exploré dans la presse grand public, ou alors de façon partielle, ou encore avec beaucoup d’a priori (suspicion tantôt d’un idéalisme « bisounours » tantôt d’un cynisme « green washer »). Il y a pourtant là une vraie lame de fond à décrypter, avec pragmatisme et lucidité. C’est l’objectif de notre nouveau champ éditorial à L’Express, avec une rubrique dédiée dans l’hebdomadaire, une plateforme Business et Sens qui fédère en ligne la communauté des acteurs engagés, un hors-série de 90 pages (inédit sur ces sujets) et désormais un programme web TV pour s’adresser au maximum de personnes à travers une mise en lumière très vivante des actions à double impact, économique et social.
Des contenus éditoriaux sur « Changer le monde », ça change le monde ?
On est à la naissance de la vague de l’innovation sociale ; il faut accompagner ce mouvement par le ‘mainstream’, c’est-à-dire inscrire ces sujets au cœur des questions business ! C’est notre parti pris à L’Express et là où est notre force de frappe : porter le message de l’innovation sociale, non pas comme le champ réservé de l’économie solidaire, mais comme l’affaire de tous ! Il n’y a pas les petites entreprises sociales d’un côté et les très grands groupes de l’autre, il n’y a qu’un grand tout, car le moteur de petits et grands, c’est l’entrepreneuriat et l’engagement ! Si on contribue à hybrider ces univers, à porter ces idées, alors on peut aider au changement d’échelle du mouvement. La communauté des acteurs engagés sur la plateforme Business & Sens ne fait d’ailleurs qu’augmenter : de 5000 visiteurs par mois à son lancement, on atteint le pic de 45 000 certains mois.
Le changement d’échelle ne peut venir que de l’intérieur, c’est la force de frappe de groupes puissants qui contribuera à changer la donne sur ces sujets d’innovation sociale !
Mais on ne fait pas que « raconter les choses ». On agit aussi : un programme de mécénat de compétences a été lancé avec Ashoka. Leurs « fellows » bénéficient ainsi de media-training (Christophe Barbier a formé les participants de la première session). Ce genre d’actions est doublement utile : donner des outils aux entrepreneurs sociaux pour amplifier l’impact de leur action mais aussi faire connaître ces notions auprès du plus grand nombre à L’Express, avec de plus en plus de mécènes parmi les collaborateurs du groupe. Le changement d’échelle ne peut venir que de l’intérieur, c’est la force de frappe de groupes puissants qui contribuera à changer la donne sur ces sujets d’innovation sociale !
Ce changement de l’intérieur n’est pas rien, bien sûr… Il faut savoir naviguer dans les contraintes du monde des médias me concernant, c’est-à-dire continuer à analyser finement ces sujets délicats, en ne perdant pas de vue le principe de viabilité économique qui s’applique à nous aussi. Nous devons à travers cette nouvelle offre éditoriale accroître le nombre de lecteurs et d’annonceurs ; c’est ainsi que nous pourrons amplifier l’impact de nos actions dans la durée !
Un message festif pour finir ?
Sur fond de crise économique, un nombre croissant de salariés, cadres dirigeants, entrepreneurs, chercheurs d’emplois ou étudiants aspirent à d’autres façons de consommer, entreprendre, produire… Jamais époque n’a été plus propice pour rêver à de nouveaux paradigmes. Sans utopie. Je crois beaucoup au changement par imprégnation mutuelle et aux nouvelles alliances. Il est devenu banal de voir se côtoyer autour de ces sujets des personnes de générations, de cultures et d’univers très différents. Cette pollinisation et ces regards croisés sont extrêmement prometteurs, tout comme ce souffle de l’intrapreneuriat social, ces chevaux de Troyes qui font bouger les lignes du « système », sans en sortir… Là est l’une des clés du changement.
Jamais époque n’a été plus propice pour rêver à de nouveaux paradigmes.
Merci à Isabelle !
*dans les relais en novembre 2012
Crédit photo : Dahmane / L’Express