Nous vivons aujourd’hui dans un monde instable, imprévisible et complexe. L’environnement des organisations change très vite, dans un contexte dit d’ »innovation intensive ». Ce contexte rend caduc les processus de conception classiques, qui s’appuient sur des connaissances et des concepts stabilisés. Aujourd’hui, il faut bien au contraire constamment renouveler cette base de connaissances et concepts, pour inventer de nouveaux produits, services, usages, business models, activités. Et donc être capable de s’affranchir des cadres de référence dans l’organisation et pouvoir raisonner dans l’inconnu, explorer des terrains vierges.
Les travaux de l’équipe du Pr A. Hatchuel (Mines Paris Tech) sur l’innovation de rupture (raisonnement de conception innovante C-K) ont ainsi montré que l’innovation est liée à l’importation de connaissances nouvelles et inédites qui obligent à redéfinir conceptuellement l’objet sur lequel on travaille et les critères de performance à même d’en apprécier l’intérêt. Il s’agit de réviser l’identité des objets sur l’ensemble des paramètres de conception de ces derniers (techniques, fonctions, usages, modèles économiques…) en opérant des allers-retours entre l’espace des concepts (C), de l’imaginaire, et celui des connaissances (K). Soit : « réconcilier l’imagination et la pensée rationnelle, le brin de folie et le technico-scientifique » selon Gilles Garel (auteur de La Fabrique de l’Innovation). « La créativité et les connaissances se raisonnent ensemble : plus nous sommes poètes, plus nous devons être chercheurs scientifiques, et réciproquement« !
Plus nous sommes poètes, plus nous devons être chercheurs scientifiques, et réciproquement
Je m’intéresse fortement à ce déplacement des frontières entre milieux scientifiques, littéraires et artistiques, source de nouveaux espaces de liberté déterminants pour les connaissances et concepts à renouveler. Je souhaite me pencher en particulier sur des démarches artistiques contemporaines en rupture comme la recherche circassienne qui interroge des objets « majoritaires » avec des « pratiques minoritaires », favorise l’explosion des points de vue et repousse les frontières du réel.