Fraîchement revenue de Montréal et ses environs, voici 5 idées que je voulais partager. L’enchantement du voyage est encore très présent mais la réalité québécoise est elle-même très enchantée, croyez-y un peu, beaucoup,… :
1/ Et si la diversité était au cœur de la création de valeur (vraiment) ?
Ce qui frappe au Québec est le naturel avec lequel ses habitants croisent différents sujets. Ici la transdisciplinarité serait presque… banale! La pensée est systémique, intégrative, navigue entre différents registres: technologique, business, symbolique, psychologique, cognitif, culturel, sociologique, ethnographique… « L’économie créative » est à l’honneur : les savoirs du scientifique, du gestionnaire, de l’ingénieur et de l’artiste sont en constantes interactions pour produire des résultats créatifs.
La configuration de l’espace à Montréal traduit bien cette économie de la rencontre ou « économie de la diversité » (ci-contre une photo à l’université Concordia… au croisement des sciences, de la technologie et de l’art !). Le métissage urbain est incroyable : les vieilles églises côtoient les buildings ultra modernes de grands groupes financiers et les murs recouverts de graffitis, les larges avenues donnent sur de toutes petites ruelles, mélangent sex shops, magasins luxueux, centres culturels… L’ancien et le nouveau, l’underground et l’upperground… réunis !
Ici les dirigeants d’entreprise (de secteurs très différents) parlent comme des designers, évoquent sans cesse la question des « usages », insistent sur « l’expérience » sur tout le parcours client et rappellent l’importance des « regards croisés » pour innover et faire croître les activités.
2/ Et si on mettait de l’art partout ? 
L’art est omniprésent à Montréal, intégré à tout, comme un mode de vie, un état d’esprit. Le métro lui-même en témoigne, par la variété de l’art public dans ses stations (voir par exemple la station Champ de Mars). En pleine ville, les immeubles de verre laissent voir des studios d’enregistrement, des centres d’artistes, des ateliers de danse… Et au beau milieu d’un open space d’entreprise, on peut tomber sur… une batterie !
Les industries emblématiques ici sont celles des arts, du technoculturel. Industrie et arts marchent ensemble !
Montréal est aussi une ville centrale pour le cirque nouveau, réintroduisant véritablement l’art dans le cirque : pour le collectif Les 7 doigts de la main fondé au Québec en 2002, et devenu mondialement célèbre, l’exploit de l’acrobate n’est jamais une fin en soi, mais un langage pour exprimer la démesure des émotions et des rêves, entrelaçant le cirque et le théâtre. Là encore, les champs disciplinaires se croisent. Tout comme, de façon unique, numérique et artistique peuvent se confondre ici. Preuve en est de la création à Montréal de la Société des Arts Technologiques (SAT), centre transdiscplinaire « voué au développement et à la conservation de la culture numérique », comprenant des « oeuvres artistiques immersives ». Au Québec, la question technologique n’est jamais abordée seule mais avec une interrogation, humaniste, sur son sens pour le collectif.
3/ Et si l’innovation sociale était un réflexe ?
Il est étonnant (et réconfortant!) de voir à quel point les Québecois parlent facilement d’innovation sociale. Ici, elle est associée de façon très naturelle à la créativité et non à un type d’économie « marginale ». Les enjeux sociétaux (environnement, santé, pauvreté, etc.) font partie de l’équation économique pour la plupart des Québécois. L’émancipation de l’individu semble intimement liée à la question du collectif, et on compte aujourd’hui au Québec pas moins de 7 000 entreprises sociales, coopératives et organismes à but non lucratif œuvrant dans tous les secteurs économiques. Une initiative notable est celle du living lab de la SAT (voir ci-dessus) en association avec le CHU Sainte-Justine : ce lab est dédié à la création de dispositifs technologiques de pointe pour une humanisation accrue des soins de santé en milieu hospitalier. Cette collaboration doit permettre de créer un modèle de santé mieux adapté aux différents besoins des patients et du personnel hospitalier par le développement de nouveaux usages des arts technologiques, interactifs et immersifs.
Depuis 1986 (!), la région a également son Centre dédié à la recherche sur les innovations sociales (CRISES), regroupant différents acteurs académiques (Université Laval, Concordia, HEC Montréal…) et des disciplines très variées pour analyser les transformations sociétales et leur rôle dans l’innovation (anthropologie, géographie, histoire, mathématiques, philosophie, relations industrielles, sciences de la gestion, science économique, science politique, sociologie).
NB : voir aussi le site Imagination for People pour un aperçu de nombreux projets citoyens inspirants, en cours au Québec.
4/ Et si on retrouvait les joies du divertissement ?
A Montréal, la fusion entre arts et business (typiquement nord américaine) a cela de très bon qu’elle remet l’émotion et la dimension expérientielle, encore peu abordées en économie, au coeur de la valorisation des projets, au centre de l’attention apportée aux clients. Certains parlent même de « Return On Emotions » pour évaluer l’impact de leurs actions ! La mise en scène, « l’environnement narratif » sont ici clés, car il s’agit de divertir, au sens d’ « enrichir l’expérience ».
Et si les projets industriels se géraient comme un spectacle ? Et si le jeu (pris ici très au sérieux – les scénographes de jeux vidéos travaillent d’ailleurs parfois avec des architectes!) permettait de réinventer nos façons d’innover ?
Et si on redevenait des enfants ? (Et si on n’avait jamais cessé de l’être vraiment…?)
5 / Et si on déviait ?
L’aspiration à la liberté est palpable partout au Québec, que ce soit dans l’univers artistique, l’industrie créative, l’urbanisme métissé, ou encore dans l’enseignement qui s’affranchit des silos disciplinaires classiques… La transgression est très présente dans les ruptures artistiques et technologiques décrites plus haut. Et mieux : la région révèle une tension féconde entre la désordre et l’ordre, l’underground et l’upperground (voir cet excellent article sur la capacité créative des villes)… Nous aurons l’occasion d’y revenir ! A bientôt !